vendredi 9 janvier 2009

Vagabonder avec Chantal Thomas

Découverte de Chantal Thomas. Je ne m'étais jamais intéressé à cette auteure. Je ne sais pourquoi, elle me semblait appartenir à une catégorie de grande bourgeoise, lettrée certes, mais ennuyeuse. Je découvre une personne avec laquelle je partage des expériences proches : l'océan atlantique et le bonheur de la plage, la mort brutale du père l'année du bac, la transplantation de provinciale à Paris, le plaisir des cafés et même une passion amoureuse pour un homme fascinant mais alcoolique.(Les cafés de la mémoire, Seuil 2008). Je me réjouis du vagabondage comme méthode, de ce collage d'exégèses d'auteurs aimés, de méditation sur l'art de vivre et d'anecdotes tirées de l'expérience d'une vie sans cesse en recherche d'elle-même. J'admire la détermination qui a tenu C T à distance des pièges ordinaires qui réduisent, voire pulvérisent la cavale de la liberté. Seule elle se souhaitait, seule elle est demeurée et on ne trouve trace d'aucun regret. Au contraire, elle traduit sur le mode jubilatoire l'extrême sérénité que confère le commerce avec soi-même lorsqu'il n'est pas vécu comme la punition infligée par le sort mais une victoire gagnée au quotidien pour déjouer ce que la doxa tente de nous faire accroire : la solitude, une tare d'asocial. "Autour de nous, tout tend à nous persuader que la solitude est un handicap, une tare. Une vaste littérature mièvre, débilitante, des tonnes de romans photos entretiennent l'attente de la Rencontre avec Celui ou Celle qui va survenir et changer votre existence". (Chemins de sable, Seuil, Points Essais 2008). A rebours elle appartient au nombre restreint des amoureux du tête-à-tête avec soi-même.
"Etre avec moi-même me plaît. Cette connivence intime ne laisse pas de place à l'ennui. J'ai toujours cru qu'au commencement de l'existence chacun forme avec soi-même une monade idéale, sur laquelle viendront se greffer par la suite des rencontres avec des personnes et des lieux. (...) J'ai une préférence pour les conversations de hasard, les échanges anonymes, entre des "je" incertains, mais résolus à ne pas se fondre dans un groupe.
Elle insiste sur la difficulté pour une femme à faire admettre que sa solitude est librement consentie, y compris lorsque l'amour aurait pu l'incliner à se "fondre" dans la fameuse dyade. "En dépit du mythe platonicien, je ne croyais pas être une moitié en mal de son complément. je refusais confusément toute perspective de dépendance et donc de manque plus ou moins latent dès qu'on aime"
Il est vrai aussi que si on a l'ambition de se consacrer assez exclusivement à l'écriture, par exemple, il est préférable d'éloigner les tâches chronophages au nombre desquelles élever des enfants est un paroxysme. "Rien mieux que l'écriture ne s'accorde au passage, à la non installation. Il suffit de rien pour écrire, d'un coin de table et du fil du temps", d'une chambre à soi et de quelques livres de rente disait Virginia Woolf, mais surtout de temps dédié, de temps inexpugnable .
L'écriture de Chantal Thomas est une perfusion d'optimisme et de plaisir à vivre même lorsqu'elle aborde les thèmes de la douleur (Souffrir, Manuels Payot 2003). "on manque aussi, en voulant se dérober à des souffrances inévitables, le lien essentiel qui unit le courage d'affronter la douleur à l'évènement de la joie, à la seule possibilité d'un rapport au monde entièrement vivant".

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ccc