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lundi 14 novembre 2016

Comment dire ?

En ce jour de commémoration de la barbarie surgie au milieu de gens tranquilles qui sirotaient un verre au bar ou s’apprêtaient à écouter de la musique, comment dire que je suis saturée de surenchère poisseuse sur la souffrance, le désarroi, la peur, enfin tout ce qui obsède nos médias qui ne peuvent faire autrement que commémorer?
Alors qu'un quasi coup d'état vient de se produire aux États-unis, qui du coup le sont de moins en moins, comment dire le dégout qui m'oblige à fuir l'affichage de ce triomphe sur les écrans divers qui disposent de nos pauvres cervelles harcelées?
Comment dire la colère qui m'assaille quand je lis que 125 millions de femmes (dont 44 millions de filles de moins de 14 ans ) sont encore victimes d'excision et que cette pratique criminelle revient dans des pays comme la Tunisie où elle avait disparu.
Alors que l'avenir de la planète exigerait des mesures drastiques de changement de paradigme économique vers plus de sobriété, d'imagination, de créativité, de solidarité, comment dire le découragement qui s'empare de moi quand j'entends que le prochain président d'un pays particulièrement  pollueur fanfaronne en s'engageant  à revenir sur les mesures prévues par l'accord de Paris  pourtant ratifié par Obama, sachant que cela engagera d'autres pays à cesser également leurs efforts de sobriété énergétique.
Comment dire ma fureur quand j'entends nos élites commenter l'arrivée d'un idiot dangereux sur la scène internationale (qui menace de déporter quelques trois millions d'immigrés !) en se préparant à l'inéluctable reproduction d'un scénario de défaite face au vote populiste, renforçant ainsi le pouvoir autoréalisateur de leurs déclarations.
Heureusement quelques voix me permettent de garder un peu d'énergie. Christiane Taubira qui rappelait aujourd'hui que s'occuper de rétablir la justice sociale est le meilleur moyen d'endiguer la violence dans une société et que c'est la mission centrale d'un gouvernement qui se prétend de gauche. Rappelons que pendant que des gens dorment dans la rue, que d'autres n'ont plus de quoi se nourrir au milieu du mois, le revenu des plus riches a encore augmenté de 11,8%, alors que même le FMI remet le système en cause pour contre productivité. Il ne faut pourtant pas être sorti de HEC pour comprendre qu'une minorité même ultra dispendieuse, gaspilleuse et stupidement arrogante ne peut pas faire tourner l'économie à elle seule.
Les Danois seraient le peuple le plus heureux du monde . Tout en restant prudent sur les résultats de ces études mesurant l'aptitude au bonheur, je suis assez séduite par leur formule qui repose sur un Etat providence abondé par les impôts que tout le monde sans exception acquitte, la confiance régnant au sein d'une communauté relativement homogène où il est mal vu de chercher à épater son voisin et où on pratique un rituel de soirée entre amis confortables et simples. J'ai vécu au Danemark il y a très longtemps et j'y avais puisé quelques leçons de savoir-vivre que je n'ai jamais oubliées. On trouvera ici de quoi s'en inspirer.
« Face à l’angoisse qui nous étreint, nous avons choisi la vitalité du théâtre, et le rire ! » C'est Ariane Mnouchkine, l'indispensable animatrice du Théâtre du Soleil qui résume ainsi la dernière aventure de cette troupe qui aura tant fait pour dispenser de la joie, ce sentiment profond qui nous étreint quand nous rencontrons des humains qui nous réconcilient avec une espèce si souvent désespérante ou désespérée.
« Je m’efforce de préserver une honnêteté intellectuelle pour résister aux modes idéologiques. »
Merci Ariane de me prêter vos mots pour, comment dire, résumer mon combat sans doute dérisoire, mais nécessaire contre la déréliction actuelle .

La Tour blanche de Thessalonique où j'étais fin octobre


Un chien dort paisiblement au pied de la tour, s'en fout totalement lui de la déliquescence du monde.

mercredi 27 janvier 2016

Merci madame Taubira

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"Fière. La Justice a gagné en solidité et en vitalité. Comme celles et ceux qui s'y dévouent chaque jour, je la rêve invaincue."
"Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit.". Ce sont vos commentaires à la suite de l'annonce de votre démission

Merci pour votre courage, votre rigueur, votre humour, votre profonde humanité. Votre départ sonne le glas d'un espoir de justice qui ne serait pas aux ordres.
Vous avez tenu jusqu'au bout, jusqu'à ce moment butoir où vous auriez dû défendre une loi que vous trouvez -a juste raison-  inique.
Toute la droite et une partie de la gauche pousse un soupir de soulagement.
Moi je suis un peu plus triste de constater qu'il y aura de moins en moins de voix pour faire entendre l'exigence de justice.
Vous ne quittez pas l'arène, j'en suis sûre, vous êtes à nouveau libre de parole. On a besoin de votre courage, celui qui vous a animée face aux quolibets indignes des députés et face aux multiples chicanes qui vous ont freinée dans vos projets de rénovation d'une justice encore  moyenâgeuse à bien des égards. Alors à bientôt.

mercredi 11 février 2015

Le coeur aussi grand qu'une place publique

Passé les derniers jours dans des trains et des crématorium. Celui du Père Lachaise pour un copain dont j'aimais la brillante intelligence, le goût de la vie et du rire. Une de ces maladies "orphelines a finalement eu raison de son opiniâtreté. 
Celui de Saint Etienne pour la femme de mon frère qui a résisté au crabe au delà des prévisions mais a fini par jeter l'éponge.
Les rituels ont évolué et désormais on n'enfourne plus le cercueil vers la gueule béante où vrombit la fournaise ce qui m'avait si fortement bouleversée quand c'était le corps de ma maman qui disparaissait de la sorte.
Évidemment dans ces circonstances, on est un peu mélancolique, même si on ne fait pas partie des tout proches. Leur peine nous touche et c'est aussi un pan de notre propre histoire qui s'engloutit.

Comme j'ai pris beaucoup de trains, j'ai eu le temps de lire. J'avais glané à la Médiathèque un ouvrage de Christiane Taubira qu'elle a écrit en réaction aux vagues de xénophobie dont elle a été elle-même victime ("la banane et la guenon") mais non pour parler de son cas mais de cette urgence à trouver un mode de relation aux autres qui soit de reconnaissance réciproque dans le cadre très clair et précis que sont les règles de la République. Christiane Taubira est lettrée, elle aime la langue et la manie avec une belle maestria.  Elle cite en abondance aussi bien Nietzsche que Billie Holiday. Son discours est un plaidoyer débarrassé de pathos  pour reconquérir cet espace commun de la Nation qui a été piraté par ceux-là mêmes qui la prostitueraient s'ils venaient à s'en emparer. Plaidoyer pour une Europe des Lumières et rappel du "principe humaniste que professe le concept africain d'unbuntu: Umuntu ngumuntu ngabantu, une personne est une personne grâce aux autres personnes". Dans nos périodes d'égotisme forcené, de petits courtisans qui se prennent tous pour le Vizir, la parole claire et lucide de Christiane Taubira éclaire et rassérène.




Et aussi l'écouter dans son très bel hommage à Tignous.

Elle conclut sur un chapitre qui postule que le racisme est un altéricide qui atteint celui qui le pratique en boomerang. "Just remember whatever you do that what you bite is what you chew" (Myriam Makeba). Alors je vais achever ce billet -pas très fun, je reconnais, mais on ne peut pas toujours rigoler- par une petite info assez gratinée : ce que  Gougueule vous propose lorsque vous commencez vos phrases par "les femmes ne doivent pas. Effarant ! Chère Christiane, on n'est pas rendues!

Le titre est tiré d'une citation d'une chanson de Juliette Gréco