dimanche 28 mai 2017

Bribes andalouses


 Je devais travailler quelques jours à Malaga, j'en ai profité pour m'accorder un tour (ultra compact ) sur les hauts lieux de l'art arabo-andalou qui a fleuri sur ce territoire si particulier par sa géographie et son histoire.
Je ne saurais faire une présentation détaillée de la richesse inouïe du patrimoine andalou des quatre villes que j'ai approchées. D'abord parce que je suis passée trop vite pour aller au delà de simples impressions fugaces mais aussi parce qu'il existe une littérature spécialisée dans le domaine avec laquelle je ne me risquerai pas à rivaliser .




La Semana Santa à Malaga.. Je n'avais jamais assisté à ce cérémonial. Il est impressionnant . Les hommes portent en souffrant (c'est apparemment très lourd même s'ils sont nombreux à se coltiner la charge et il fait très chaud) précédés par l'orchestrateur de la cérémonie qui hurle et suivis par une fanfare de cuivres et de tambours jouant de façon lancinante. C'est à mes yeux une résurgence de cette période atroce qu'a été l'inquisition. Mais évidemment pour les Andalous c'est une fête de la plus haute importance . J'ai recherché dans wikipédia l'explication des rôles tenus par les membres de la procession 
  • les costaleros : ils portent les pasos, dont le poids contraint à disposer d'un effectif important, tournant à intervalles réguliers. Les confréries possèdent de un à trois pasos, soit autant de groupes de porteurs ;
  • le capataz : c'est le responsable de l'équipe des costaleros. Il dirige le paso et guide les porteurs par la voix en indiquant la direction à prendre. Il est assisté de contraguías. Il ordonne la levée ou l'arrêt du paso, à l'aide du llamador ou martillo, heurtoir situé à l'avant de l'autel.
  • les nazarenos : ce sont les pénitents qui marchent au-devant des pasos, vêtus d'une tunique et d'une cagoule (le capirote), dont les couleurs varient d'une confrérie à l'autre, voire au sein d'une confrérie, selon le paso qu'il précède


Nous avons retrouvé les pénitents mais cette fois dans les jardins de l'Alhambra de Grenade (ils étaient bleus). Hélas, la concomitance de la cérémonie et notre arrivée nous a un peu réduit l'espace d'exploration et mon absence de préparation m'a privée du Palais des Nasrides (il faut réserver deux mois à l'avance voire davantage pour cette période, je suis une touriste qui va le nez au vent, j'oublie les contingences).




Après Grenade, Cordoue. La Mezquita, la "mosquée - cathédrale. Ce monument grandiose fut d'abord une mosquée construite sur l'emplacement d'une basilique wisigothe sous le règne d'Abdal-Rahman1er s'installant à Cordoue en 750 et décidant des travaux en 756. Elle a bénéficié de plusieurs extensions puis a été en partie (heureusement il en reste une grande partie et on peut admirer la finesse des piliers, en contraste avec l'énormité des piliers de la cathédrale) transformée par la chrétienté triomphante en cathédrale.
  
La chapelle principale et son choeur
Lorsque Charles Quint est venu visiter la Mezquita il a regretté la destruction opérée pour insérer la chapelle.  Ces jeux de destruction reconstruction n'ont jamais cessé depuis...


Jeux de lumière dans la Mezquita
Cordoue m'a séduite. C'est la ville des patios fleuris. Elle est traversée par le Rio Guadalquivir, un nom mythique pour moi; Nous avons été accueillis dans une chambre d'hôtes par une personne délicieuse. L'ambiance générale est tranquille. La douceur de vivre andalouse, un baume pour moi qui vient de traverser un épisode très bousculé par des impératifs de toutes sortes.


Le Pont romain sur le Quadalquivir
  Enfin Séville. J'ai perdu en grande partie les photos que j'avais faites de la cathédrale. Ce n'est pas grave. C'est une quintessence de l'imperium catholique. On s'y égare tellement c'est gigantesque. Elle abrite le tombeau de Christophe Colomb, un retable qui dégouline d'or, 1200 kg pour recouvrir les 1500 figurines ciselées dans le bois de cèdre sur 220 mètres carrés (le plus grand retable du monde), l'ensemble repose sur  des pilastres énormes. Sans doute étais-je saturée d'art religieux (je sature vite en matière de Christ sanguinolent, vierges éplorées et martyres de toute espèce), bref, j'ai écourté la visite.
En revanche, j'ai flâné à loisir dans le Palais de l'Alcazar qui fait face, une ode à la beauté et à la joie de vivre. Pour tout dire cet art là me réjouit davantage que toutes les magnificences  catholiques. Aurais-je en moi du sang arabo - berbère?
  

Les repas ont presque toujours été composés de tapas, cette formule intelligente qui permet de combiner les saveurs et de vins locaux qui sont de bonne qualité. Il faisait un peu chaud  en fin d'après-midi mais les soirées étaient fraiches à loisir, avril est une bonne période pour l'Andalousie. Se promener au hasard des rues et découvrir l'insolite est aussi un bonheur.




J'ai clôturé mon expédition avec trois journées de travail à Malaga.
Je me suis fait la promesse de revenir sur ces terres bénies avec suffisamment de temps pour mieux déguster la douceur de vivre andalouse.

samedi 1 avril 2017

Mes dernières séances




Qu'ai-je donc fait qui mériterait d'être consigné dans ce malheureux blog déserté. J'ai encore un peu bougé Paris, Tours, Paris . Mais je n'ai fait que voyager d'une salle de conférence à une autre.
En revanche, j'ai vu quelques films. Tous ne méritent pas qu'on s'y arrête ici. Je vais donc me concentrer sur quelques merveilles.
 Revu au cinéclub le somptueux Kurosawa "Les sept samouraïs".


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J'en avais un souvenir très flou, je l'ai vu en quelque sorte  pour la première fois. Un des personnages m'a évoqué Johnny Depp dans Pirates des Caraïbes. Peut-être J D s'est-il  inspiré du jeu de l'acteur Toshirō Mifune pour créer l'agité imprévisible qu'il y incarne (l'inverse n'étant évidemment pas possible).
Résultat de recherche d'images pour "les sept samourais"
 Le film dure plus de trois heures et se conclut par la remarque désabusée du vieux samouraï  : en fait ce sont les paysans qui ont su  utiliser la force et l'intelligence des braves. La vie reprend après la bataille et le village retourne  à ses occupations  là où elles s'était interrompues sans plus de considération pour les guerriers. C'est un des plus grand films d'action du siècle. Il a inspiré "Les sept mercenaires" . Mais ce dernier n'atteint pas la force des images que procure le noir et blanc et le génie de Kurosawa.
Vu également un documentaire "Close Encounters with Vilmos Zsigmund, portrait du grand chef opérateur qui a travaillé avec les plus grands cinéastes et a transformé l'art de la lumière au cinéma du siècle dernier. Portrait d'autant plus émouvant que VZ vient de mourir à l'âge de 85 ans. Le réalisateur du documentaire  Pierre Filmo nous a régalé, après la projection, d'anecdotes de tournage. J'en ai retenu une qui m'a fait rire. Le chef op du tournage (engagé sur conseil de Vilmos himself ) prépare l'interview de John Travolta qui se prête aux essais et refuse les cadrages et la lumière prévus parce qu'ils ne le mettent pas en valeur (caprice de star). Après plusieurs tentatives infructueuses, on fait appel à Vilmos qui discutait avec un ami dans une salle attenante. Il vient et son intervention satisfait Travolta, l'interview peut avoir lieu. Plus tard Pierre Filmo demande à Vilmos ce qu'il a fait pour complaire aux desiderata de l'acteur. Rien, répond le vieux malin. Ah! l'ego des stars! Voir l'interview qu'il a donné à Première deux ans avant sa disparition.
Après le documentaire était programmé The Rose film de Mark Ridell, dont Vilmos Zsigmund a assuré la lumière. Il est ici sur le tournage en 1978 en compagnie de l'actrice Bette Midler (sacré tempérament commente-t-il dans le documentaire)
Le film avait eu un très gros succès à sa sortie en 1979 et l'actrice y avait gagné deux oscars C'est une plongée dans cette époque folle des années 60 sexe drogue et rock and roll. Mais on songe que le personnage incarné par Bette Midler qu'on a faussement identifié à Janis Joplin  ( Bette Midler a farouchement refusé toute allusion à la chanteuse morte d'une overdose ) pourrait aussi bien  évoquer le destin d'Amy Winehouse.
D'un tout autre genre La sociale. Merci Gilles Perret !
 
Je n'aurai qu'un commentaire : ce film devrait passer d'urgence à la télévision. Il remplacerait avantageusement tous les débats politiques et les ratiocinations dont on nous abreuve depuis des jours et des jours. 
En attendant que le ciel nous tombe sur la tête, allons au cinéma!

mardi 28 février 2017

Gaston for ever !



L’enlèvement d’Europe par Fernando Botero
 Cette plantureuse égérie trône devant l'aéroport de Madrid. J'ai eu peu de temps pour aller rendre visite à Goya, Le Gréco,  Velasquez et autres grands peintres hébergés au musée du Prado, d'autant qu'il faut patienter une bonne heure pour parvenir à entrer. Voyez la queue et encore n'est-elle pas entièrement visible.


 J'ai quand même réussi à atteindre la salle de Goya tout au bout de l'étage,  d'où j'ai été impitoyablement chassée par la gardienne, c'était l'heure de fermer (20h00).  J'aurais pourtant souhaité m'attarder pour regarder en détail les gravures et les dessins d'une finesse et d'une précision extraordinaires.

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 Les fusillades du 3 mai, célèbre tableau d'allégeance de Goya à Ferdinand VII.

Un peu de promenade dans les rues de Madrid dont les pavés sont un peu casse- pattes mais il faisait beau et nous marchions d'un lieu de travail à un lieu de restauration sinon, nous n'aurions vu que des salles de réunion.




Auparavant j'avais fait une petite halte à Paris où j'ai pris le temps d'aller faire un tour sur les berges du canal de l'Ourcq en passant par le Cent-quatre envahi de jeunes gens s'entrainant à toutes sortes de performances acrobatiques dont cette jeune femme qui tournoyait dans un cerceau




Je suis allée à Beaubourg voir l'expo Magritte que j'ai trouvé décevante. Cette peinture a mal vieilli à part quelques pièces fameuses. Je ne parle même pas de celle de Cy Twombly. Je suis parfaitement imperméable à cette forme d'art .

En revanche je me suis régalée, esclaffée, étonnée à la rétrospective Gaston Lagaffe

Apparu pour la première fois le 28 février 1957 dans les pages du journal de Spirou, Gaston Lagaffe fête ses soixante ans en 2017. Le « héros sans emploi » créé par Franquin pour animer le journal devient très vite l’un des personnages majeurs de l’épopée Spirou et, sur plus de 900 planches, un véritable classique de la BD.
J' ai découvert que Franquin a travaillé pour Amnesty et beaucoup d'autres causes. Pour moi il était l'inventeur du génial Gaston que j'ai lu moi-même puis lu à mes enfants. Gaston, le génial inventeur d'objets improbables, l'amoureux des bêtes, l'écolo (sauf pour sa voiture), le contempteur des suffisants et des représentants de l'ordre, l'amoureux de la sieste et l'infatigable flemmard, le doux et le délicat avec Moiz'elle Jeanne.
J'aimais Gaston mais connaissais mal son créateur. Franquin était une belle personne. Allez lui rendre visite si vous le pouvez. Réjouissant.
  





 

A part ça j'ai lu quelques livres, vu des films, travaillé beaucoup (trop!). Ma fillote est revenue de Cuba où elle était partie avec son amoureux. Ils avaient beaucoup de choses à raconter. Ce blog a une nouvelle fois subi une concurrence déloyale.

dimanche 1 janvier 2017

Qu'est-ce-qu'une année sinon le volume infini d'une pincée de secondes?



 L'année a commencé sous le brouillard. Depuis quatre jours, il ne cède pas d'un pouce. Ci-dessous la version light. La réalité c'est le gris absolu.
Que cette année nous soit clémente et que les vastes problèmes du monde ne nous privent pas des petits bonheurs quotidiens.


 Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.
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Rainer Maria Rilke (1875-1926) – Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (1910)

Le titre est extrait de "Journal amoureux" de Dominique Rolin

mercredi 28 décembre 2016

De quelques repentirs avant le nouvel an




Barcelone,  les santons "cagueurs" une tradition catalane;  tous les "grands" de ce monde sont là

Je l'ai déjà dit, je sais , je le répète, le premier de mes repentirs est d'avoir un peu délaissé ce blog au profit de ma page facebook. Tous les autres en découlent: les livres dont je n'ai rien noté, les photos que j'ai négligées, les films dont je n'ai rien retenu, les musiques qui se sont évanouies dans le silence. En relisant certains de mes billets antérieurs, je suis frappée par le précieux exercice de rétention qu'ils ont accompli. Ainsi l'année 2009 riche de ses 169 billets est-elle en mesure de me restituer une grande partie des coups de cœur, coups de gueule qui m'ont animée. Sans compter que grâce à ma rubrique hebdomadaire le "vent des blogs", je retenais dans mes filets pas mal de jolies perles pêchées dans les bacs de mes congénères. Hélas désormais , lorsque je clique sur les liens, je rencontre souvent le vide, la plupart des blogs ont disparu.
Je peux encore rechercher dans mes propres soutes quelque minerai qui sans prétendre au diamant me semble cependant honorable de clarté.
Ainsi dans la recension du 29 décembre 2009 intitulée "Le nom du bal perdu, festival des oubliés"   
j'avais repris l'extrait d'un texte publié le 1er janvier 2009 "Les noces du Che et de Sainte Utopie" que je ressers aujourd'hui sans en changer une virgule.
La Révolution cubaine avant de s'avachir et s'obscurcir avait suscité dans le monde entier l'espoir que le système mafieux qui est le jumeau de l'ombre du libéralisme, l'exécuteur de tous les coups foireux de l'Empire, allait enfin être ramené à la lumière et comme tout vampire s'y dissoudre. Espoir déçu. Trop de transfusés du démon par morsure insidieuse participent et collaborent.
Pourtant, voilà bien ce qu'il nous faudrait. Une année de dissolution de toutes les camorras et pour commencer balancer dans des bains d'acide toutes les pétoires que nos mâles ornés des fameuses cojones arborent en sautoir sur tous les théâtres du monde. Interdiction absolue des armes. Expurgation totale. A mains nues, les pugilats s'épuiseraient assez vite et auraient l'insigne avantage de laisser les non pugilistes hors champ des gnons.
Sainte Utopie, priez pour nous. Ainsi soit-elle (la nouvelle année). 

 On voit bien que la sainte fait la sourde oreille. Le bruit des bottes et des bombes enfle plus que jamais.
Allez ne soyons pas moroses en cette fin d'année, même si elle a été plutôt rude, inutile que j'énumère ses hauts faits de violence et de mort. 
Je ne vais retenir que les bonnes choses. Mes voyages par exemple cette année Florence, Prague, Essaouira, Montréal, Budapest, Thessalonique, Barcelone, sans compter, une semaine à Royan avec mon frère (occurrence très rare), Besançon (que je ne connaissais pas et retrouvailles avec une amie, Dijon (idem), retour à Avignon, visites des amis en été, bref, une année agréable en dépit de tout ce qui s'est abattu par ailleurs sur le monde et dont on ne peut s'exonérer, le chagrin collectif nous atteint dès lors qu'on a un soupçon d'empathie pour la malheureuse engeance humaine.
Retenir les douceurs. Et seulement les toutes récentes.
Les beaux films : le dernier en date Louise en hiver, un bijou délicat et poétique 





Les livres. Je viens de lire les aventures de Tom Sawyer et de Huckleberry Finn (Mark Twain), un délice qu'on a gouté normalement dans son jeune âge et qui m'était resté inconnu.
La musique, ma fillote m'a offert à Noël un CD de Madeleine Peyroux. mon fiston une place de théâtre musical à venir...
Je nous souhaite une année pleine de ces petits bonheurs et que nous réussissions collectivement à contrer le vent mauvais qui souffle tout de même un peu fort ces derniers temps.
Sainte Utopie, ne priez pas, agissez! 

jeudi 8 décembre 2016

La créativité, c'est l'intelligence qui s'amuse.

"La créativité, c'est l'intelligence qui s'amuse."Merci au grand Albert Einstein qui a nous  livré cette jolie pépite. Elle m'a servi de mantra ces derniers jours.
Encore une fois, j'étais sur les routes, du rail ou du ciel.
Dijon où se déroulaient « Les journées de l'économie autrement" organisées par le magazine Alternatives économiques". Ma foi, tous les notables étaient présents et se félicitaient du relatif succès des entreprises de l'économie sociale et solidaire. Benoit Hamon en faisait un des éléments clé de son futur programme de campagne si toutefois il parvient à éliminer tous ceux qui se pressent au portillon (le nombre augmente de jour en jour). Sur la même estrade se trouvait un certain Borello, PDG de SOS une entreprise d'insertion pour les services à la personne, artisan de la création du MOUVES, qui regroupe les entrepreneurs sociaux, un cheval d'entreprise, une alouette de solidarité. Enfin bref, je ne vais pas vous parler boutique. Borello s'est déclaré soutien d'Emmanuel Macron, pas une surprise. Une anecdote, j'ai eu l'occasion d'échanger pendant un petit quart d'heure avec Philippe Bertrand, l'animateur de l'émission "Carnets de campagne"  . Cet homme est aussi sympathique qu'il me semblait l'être en l'écoutant à la radio. Et il est le seul à offrir une vraie tribune à "l'économie de l'avenir" un propos plusieurs fois réitéré pendant ces journées.
En clôture Patrick Viveret  a appelé de ses vœux la fin de l'obsession compétitive et l'avènement de la "stratégie érotique mondiale" qui ne signifie pas qu'on se livre à une monumentale orgie libidineuse mais que la "valeur" retourne à son étymologie "force de vie", éros par opposition à Thanatos qui semble étendre son règne morbide sur la planète. Cynthia Fleury  a rappelé que les dominations se fondent sur les états dépressifs de la population, que la réponse à l'angoisse est l'engagement (au sens le plus large) et qu'il nous faut déjouer le triptyque avidité / durcissement des cœurs / dérèglement du langage. Redonner du sens à la langue, voilà qui me parle si je puis dire.

Patrick Viveret, Cynthia Fleury, Guillaume Duval pour la plénière de clôture dans le faste du Palais des Ducs de Dijon
Ensuite Paris. Plaisir d"aller soutenir la jolie troupe du Peuple lié et "Ici les aubes sont plus douces". Comme c'est difficile le spectacle vivant !  Ces jeunes gens talentueux vont avoir joué pour ne quasiment pas se payer. Et pourtant ils ont un vrai talent! Terrible !


Un qui n'a pas de souci de budget, c'est Depardieu. Il peut se permettre de soutenir un jeune réalisateur "non conformiste".  Tour de France  est un film français réalisé par Rachid Djaïdani, rencontre entre un vieil acariâtre raciste et un jeune rappeur qui représente tout ce que le vieil ouvrier exècre. C'est la chronique d'un apprivoisement réciproque qui offre l'occasion d'explorer les clichés et les préjugés qui font écran entre les êtres. Un tour de France par les ports qui m'a donné aussi l'occasion d'en revisiter la plupart. Un film dur et tendre et Gégé émouvant. Le jeune rappeur Sadek lui  tient tête sans faiblir et finit par le retourner. J'ai vu le film au Méliès de Montreuil, dont l'implantation en plein centre est une vraie réussite, en dépit de toutes les polémiques que le projet a suscité.

Rome enfin. J'ai visité deux lieux sympathiques : le Millepiani, un espace de travail coopératif vivant et drôle. Le co-working est un concept qui prend de l'ampleur. Ce lieu était en avance sur son temps. Comme dit l'autre "seul on va plus vite, ensemble on va plus loin". La zone d'accueil des clients est abondamment fourni de bouteilles de bon vin et les agapes communes sont naturelles. Plus de 150 personnes travaillent dans le lieu selon des rythmes propres à chacun.



Dans un ancien bain public restauré, une bibliothèque "Moby Dick où ont lieu des expositions, des conférences. Pas de livre, on les recherche sur l'ensemble du patrimoine des bibliothèques universitaires par le wifi en accès libre, on vient y lire les journaux ou jouer avec ses enfants grâce à la ludothèque. Rien d'extraordinaire mais un établissement authentiquement populaire qui offre un accès libre aux habitants de Garbatella, un quartier aux maisons colorées à l'architecture baroque, que je n'ai pas eu le temps d'explorer comme je l'aurais souhaité 
La bibliothèque Moby Dick
Les temps de transport offrent l'opportunité de lire. Mes dernières lectures Azar Nafisi Mémoires captives, Plon, 2011 et La République de l'Imagination, Jean-Claude Lattès, 2016, la vie difficile des femmes -et des hommes- dans l'Iran de l'époque de Khomeini, quand on a cru à la révolution après avoir été opposants au Shah au point de devoir s'exiler. Revenir et déchanter très vite surtout quand l'Iran se durcit avec la guerre contre l'Irak et repartir, parce que les proches sont en danger ou disparaissent sans qu'on sache où ils se trouvent. Naviguer entre des identités contrastées et forger ses forces grâce à la littérature, américaine en l'occurrence. Je fais une pause, mais "Lire Lolita à Téhéran"  attend son tour. 
Lu également  Leïla Slimani, Dans le jardin de l’ogre. Je n'ai pas vraiment apprécié ce personnage de femme obsédée sexuelle, perdue et dépendante et même si l'écriture sèche et économe remplit son rôle dans une approche clinique du cas de cette femme étrange autodestructrice et ambiguë (elle n'aime pas son mari mais il est son seul point d'attache, son fils même l'encombre dans cette addiction dont elle ne parvient pas à se défaire) je suis restée insensible, voire agacée. Leïla Slimani vient d'obtenir le Goncourt pour un livre qui semble également présenter un personnage pervers. Les bons sentiments ne font pas de la bonne littérature certes, mais la perversité   n'est pas non plus un gage d'excellence.
Cette créativité ne m'amuse décidément pas.

lundi 14 novembre 2016

Comment dire ?

En ce jour de commémoration de la barbarie surgie au milieu de gens tranquilles qui sirotaient un verre au bar ou s’apprêtaient à écouter de la musique, comment dire que je suis saturée de surenchère poisseuse sur la souffrance, le désarroi, la peur, enfin tout ce qui obsède nos médias qui ne peuvent faire autrement que commémorer?
Alors qu'un quasi coup d'état vient de se produire aux États-unis, qui du coup le sont de moins en moins, comment dire le dégout qui m'oblige à fuir l'affichage de ce triomphe sur les écrans divers qui disposent de nos pauvres cervelles harcelées?
Comment dire la colère qui m'assaille quand je lis que 125 millions de femmes (dont 44 millions de filles de moins de 14 ans ) sont encore victimes d'excision et que cette pratique criminelle revient dans des pays comme la Tunisie où elle avait disparu.
Alors que l'avenir de la planète exigerait des mesures drastiques de changement de paradigme économique vers plus de sobriété, d'imagination, de créativité, de solidarité, comment dire le découragement qui s'empare de moi quand j'entends que le prochain président d'un pays particulièrement  pollueur fanfaronne en s'engageant  à revenir sur les mesures prévues par l'accord de Paris  pourtant ratifié par Obama, sachant que cela engagera d'autres pays à cesser également leurs efforts de sobriété énergétique.
Comment dire ma fureur quand j'entends nos élites commenter l'arrivée d'un idiot dangereux sur la scène internationale (qui menace de déporter quelques trois millions d'immigrés !) en se préparant à l'inéluctable reproduction d'un scénario de défaite face au vote populiste, renforçant ainsi le pouvoir autoréalisateur de leurs déclarations.
Heureusement quelques voix me permettent de garder un peu d'énergie. Christiane Taubira qui rappelait aujourd'hui que s'occuper de rétablir la justice sociale est le meilleur moyen d'endiguer la violence dans une société et que c'est la mission centrale d'un gouvernement qui se prétend de gauche. Rappelons que pendant que des gens dorment dans la rue, que d'autres n'ont plus de quoi se nourrir au milieu du mois, le revenu des plus riches a encore augmenté de 11,8%, alors que même le FMI remet le système en cause pour contre productivité. Il ne faut pourtant pas être sorti de HEC pour comprendre qu'une minorité même ultra dispendieuse, gaspilleuse et stupidement arrogante ne peut pas faire tourner l'économie à elle seule.
Les Danois seraient le peuple le plus heureux du monde . Tout en restant prudent sur les résultats de ces études mesurant l'aptitude au bonheur, je suis assez séduite par leur formule qui repose sur un Etat providence abondé par les impôts que tout le monde sans exception acquitte, la confiance régnant au sein d'une communauté relativement homogène où il est mal vu de chercher à épater son voisin et où on pratique un rituel de soirée entre amis confortables et simples. J'ai vécu au Danemark il y a très longtemps et j'y avais puisé quelques leçons de savoir-vivre que je n'ai jamais oubliées. On trouvera ici de quoi s'en inspirer.
« Face à l’angoisse qui nous étreint, nous avons choisi la vitalité du théâtre, et le rire ! » C'est Ariane Mnouchkine, l'indispensable animatrice du Théâtre du Soleil qui résume ainsi la dernière aventure de cette troupe qui aura tant fait pour dispenser de la joie, ce sentiment profond qui nous étreint quand nous rencontrons des humains qui nous réconcilient avec une espèce si souvent désespérante ou désespérée.
« Je m’efforce de préserver une honnêteté intellectuelle pour résister aux modes idéologiques. »
Merci Ariane de me prêter vos mots pour, comment dire, résumer mon combat sans doute dérisoire, mais nécessaire contre la déréliction actuelle .

La Tour blanche de Thessalonique où j'étais fin octobre


Un chien dort paisiblement au pied de la tour, s'en fout totalement lui de la déliquescence du monde.